L’ouverture se fait par un grand assemblage d’instruments ; et dans le milieu du théâtre, on voit un élève du Maître de musique, qui compose sur une table un air que le Bourgeois a demandé pour une sérénade.

Je souhaite inaugurer ce blog avec un sujet qui me tient à cœur : le théâtre.

Mais pas n’importe quel théâtre : le théâtre estudiantin, celui qui anime et accompagne nos vies turbulentes entre les heures de cours et les devoirs.

Le théâtre, c’est une longue aventure à la découverte de soi, une reconquête de l’expression orale et gestuelle, une approche pratique du faire ensemble où l’on ne laisse personne derrière, où l’on se serre les coudes quoi qu’il se passe, où l’on agit en coopération perpétuelle avec les autres jusqu’à ce moment fatidique, sur la scène, où l’adrénaline monte et où les acteur·ices, qui portent ensemble cette œuvre tant travaillée, entament le premier acte.

L’option théâtre, une discipline en voie de disparition dans de nombreux établissements ces dernières années − vous comprenez, ce n’est pas très lucratif d’être artiste − constitue une véritable bouffée d’air dans nos semaines chargées. C’est un moment unique chaque semaine où l’on peut exprimer sa créativité et s’éloigner un instant de la brutalité du quotidien.

En ce qui me concerne, c’était trois heures par semaine le lundi soir, pendant deux ans. Nous étions une quinzaine, d’horizons très différents, avec un metteur en scène et une professeure pour nous encadrer. Leur tâche, parfois difficile, était de canaliser nos élans de créativité et de créer une harmonie entre nos qualités si différentes.

Nous utilisions une œuvre existante comme toile, mais l’interprétation et la mise en scène pouvait transcrire tout autre chose : notre metteur en scène essayait de conjuguer l’œuvre originale avec cet esprit et cette dynamique « potachique » (comme il aimait bien l’appeler) qui nous caractérisait tant, avec toujours un peu d’actualité, de faits divers, dans cette retranscription.

Nos scènes étaient souvent politiquement engagées : elles dénonçaient, avec humour et une certaine autodérision, les injustices, les violences et les oppressions de la société d’une manière tantôt légère et captivante, tantôt marquante ou même émouvante, dans un message qui n’était peut-être pas de la même maturité que celui de militant·es aguerri·es, mais qui était authentique et porteur d’espoir.

En rétrospective, c’était là mon premier pas dans l’éducation populaire, bien avant − bon, d’accord, quelques mois avant − que je ne découvre Framasoft et la culture libre.

Les scènes que nous travaillions, nous ne les jouions qu’à trois reprises en représentation publique, à la fin de l’année. Passées ces trois représentations finales, notre jeu n’existait plus que dans nos mémoires et dans nos cœurs.

Parmi nos expériences les plus marquantes durant ce long voyage, il y avait ce moment de l’année très singulier.

🔗Les Didascalies

Chaque année, vers le mois de mars, dans les recoins du sud-ouest de la France, se tient un festival artistique nommé « Les Didascalies ».

Affiche de la 29e édition du festival

Pendant quatre jours, une quinzaine de groupes d’étudiant·es de toute la région (et parfois au-delà !) se retrouvent en un même lieu et jouent tour à tour leur œuvre sur scène, bien qu’incomplète à ce moment de l’année, devant les autres élèves. Il n’y avait pas que du théâtre, chaque groupe avait sa spécialité : on y retrouvait ainsi quelques groupes de danse, ou encore les élèves de l’école de musique de la région pour un concert de jazz à en couper le souffle.

Le festival comprend également de nombreux ateliers, encadrés par des artistes professionnel·les ou entre élèves, afin de tisser des liens entre les différents établissements. Il est porté par une association depuis 30 ans, grâce à ses salarié·es et bénévoles qui travaillent sur la mise en place et l’organisation de cet évènement annuel. Sur le plan financier, la structure dépend de subventions publiques pour tenir debout.

Pour les élèves, c’est un moment de partage d’une indicible richesse : chaque groupe joue quinze à vingt minutes de leur travail devant tous les autres groupes, soit parfois plus de trois cents personnes. C’est une belle occasion de s’entraîner avant le spectacle de fin d’année et pour certain·es, le premier pas sur une scène devant le regard bienveillant et sans jugement des autres lycéens et lycéennes. Les jeux sont toujours suivis d’un moment d’échange avec le public, les « Conversations avec la Scène », pour écouter et répondre aux diverses questions et remarques.

Pour les encadrants et encadrantes cependant, il s’agit d’une autre paire de manches. Entre les difficultés liées au financement du festival et l’enfer logistique que représente l’organisation d’un évènement de cette taille − la location et la synchronisation des bus avec les élèves, le lien entre les professeur·es, les artistes et l’association, la location des salles, la réservation des hôtels, les repas… L’organisation du festival Les Didascalies est une rude épreuve.

Aux commandes de cette complexe organisation, il s’agit de nul autre (comme par coïncidence !) que le metteur en scène de mon lycée, qui a visiblement le talent de jongler entre les disciplines. Il a lui-même fondé l’association qui organise Les Didascalies il y a plus de 30 ans. Je vais l’appeler Jérémie.

À l’aide de son savoir-faire artisanal et de son expérience à toute épreuve, Jérémie prépare chaque année l’emploi du temps du festival en alternant entre Word et Excel, sur des feuilles de calcul à rallonge que seule une poignée de personnes dans l’organisation sait lire et utiliser. Sa maîtrise de son environnement de travail lui offre une grande flexibilité.

Et pourtant, il s’agit bien du plus grand problème de Jérémie aujourd’hui : il est le seul à disposer d’une telle maîtrise, forgée avec l’expérience du terrain, et éprouve des difficultés à passer le flambeau.

Voilà le contexte de ma mission.

Capture d’écran de l’emploi du temps de 2019

Admirez son œuvre. Voici deux pages de l’emploi du temps du mercredi pour la 29e édition en 2019. Il y a en moyenne quatre pages par jour, pour quatre jours ; ces emplois du temps sont communiqués aux étudiant·es. C’est sans compter le temps passé sur les grands tableaux Excel.

🔗Un coup de main ?

Dans le cadre de mes études, je devais effectuer un stage rémunéré d’une durée de quatre à six mois. Cette idée de faire mon stage dans cette structure me trottait dans la tête depuis un moment. Ce n’était pas simplement le choix de la facilité pour moi que de m’orienter vers une structure que je connais ; c’est aussi parce que je souhaitais me mettre au service de personnes que j’apprécie profondément pour leurs qualités humaines, et pour cette affinité sur le plan politique que je retrouvais dans l’objet de leur activité éducative et non lucrative.

Je suis entré en contact avec Jérémie à plusieurs reprises pour préparer ce stage, qu’il a accepté. Une chance pour moi : nous sommes en avril 2020 et ce n’est pas le meilleur moment pour trouver un plan B. La 30ème édition du festival se préparait pour le mois d’avril, mais elle a été annulée en raison du confinement.

Mon stage d’une durée de quatre mois commença fin 2020, pour préparer l’organisation technique de la 30ème édition du festival Les Didascalies, reportée en avril 2021.

🔗Identifier les besoins

Mon objectif était de mettre en place une solution informatique qui permettra à n’importe qui de reprendre le travail de Jérémie, avec le minimum de connaissances et d’effort possible. Il faut que l’organisation du festival devienne la plus facile possible.

Cette solution peut prendre n’importe quelle forme : une application de bureau ou une application web, à partir d’un logiciel existant ou fait maison, sans aucune contrainte sur le langage utilisé, en laissant le moins de dette technique possible.

Les Didascalies accueillent une quinzaine de groupes d’élèves de chaque établissement, et chaque groupe a son propre emploi du temps durant tout le festival ; ils peuvent également se diviser en demi-groupes de taille arbitraire. L’épreuve dans la réalisation du planning est de s’assurer que tous les élèves réalisent les mêmes activités tour à tour : manger, dormir, jouer, regarder d’autres groupes jouer, participer à des activités avec les artistes… Pendant toute la durée du festival, chaque groupe d’élève doit être au bon endroit, au bon moment.

Il faut donc un logiciel qui soit capable de gérer plusieurs emplois du temps en même temps, d’assigner des groupes de personnes dans des lieux pour un temps donné, et de vérifier que le planning soit cohérent dans sa globalité : un groupe ne doit pas déjeuner deux fois, ou chaque groupe doit participer au moins une fois à une activité spécifique, par exemple.

J’ai travaillé avec une personne que je nommerai Valérie, qui est l’administratrice du festival depuis plusieurs années aux côtés de Jérémie, mais qui a encore besoin de temps et d’expérience pour préparer l’évènement en autonomie complète.

🔗Solutions possibles

🔗Réutiliser l’existant

La solution qui nécessiterait le moins de temps de travail et engendrerait le moins de dette technique consiste à partir d’un logiciel existant.

J’ai longuement cherché des logiciels de gestion événementielle qui réponde le mieux possible aux besoins identifiés, et l’une des seules applications qui s’approchent suffisamment du but recherché est Pretalx, un outil libre notamment utilisé pour l’organisation des Journées du Logiciel Libre.

Ce logiciel permet la création d’activités pouvant être suggérées au travers d’un formulaire ; ces activités peuvent être réparties dans plusieurs lieux et de nombreuses catégories.

J’ai passé une semaine à expérimenter la solution, mais il manquait des fonctionnalités cruciales sur la gestion des activités. Il y avait en outre de nombreuses fonctionnalités qui seraient inutiles dans notre cas d’utilisation et qui auraient pu alourdir l’expérience utilisateur : les personnes qui utiliseront le logiciel ont un usage assez limité de l’informatique et ont besoin d’une interface épurée qui ne comporte que le strict nécessaire.

J’ai également envisagé de modifier le logiciel pour ajouter les fonctionnalités manquantes et masquer celles qui ne sont pas nécessaires, mais cela impliquait qu’il ne serait plus possible de mettre à jour le logiciel, à moins d’intégrer ces nouvelles fonctionnalités dans le logiciel original. De plus, il m’aurait fallu m’adapter à la base de code existante, un exercice difficile auquel je n’étais pas prêt à me livrer.

🔗Partir de zéro

À regret, c’est finalement la solution que j’ai retenue, ce qui me laissait le choix du langage et des bibliothèques à utiliser : j’ai carte blanche, « tant que ça fonctionne à la fin ».

Souhaitant rester sur mes acquis pour ne pas passer du temps à apprendre de nouveaux outils, je suis parti sur une application web en Rust avec le framework Rocket (j’ai plus tard envisagé une migration vers le framework Actix mais le projet était déjà à un stade trop avancé, j’ai abandonné l’idée faute de temps).

Les modèles HTML fonctionnent avec Askama et j’utilise l’ORM Diesel. J’ai écrit mon CSS et mon Javascript à la main, c’est mon côté minimaliste qui ressort.

Ces choix sont lourds en conséquences : cela signifie que si mon logiciel doit être modifié après mon stage pour ajouter une fonctionnalité ou corriger un bug, l’association sera en difficulté et a peu de chances de trouver un développeur Rust qui acceptera de repasser sur mon code, même s’il est relativement propre et commenté.

Pour ne pas que l’association devienne dépendante de mes compétences par la suite, je dois prendre en compte un maximum de cas d’utilisation possibles sans alourdir le logiciel et en tâchant de respecter (à peu près) le temps qui m’est accordé.

🔗Conception du logiciel

Ce logiciel porte le nom de Bibliodid : c’est le nom que Jérémie utilisait pour désigner l’ensemble de ses fichiers tableur utilisés pour préparer le festival. Vous pouvez trouver le code source de Bibliodid en ligne.

Je passerai les détails techniques de sa conception pour vous montrer directement le résultat.

Capture d’écran de l’accueil

À gauche, la page d’accueil. À droite, une version compacte.

Les élèves accèdent à la plateforme avec leur téléphone (il est également possible d’imprimer le planning au préalable) et sélectionnent leur groupe en haut de la page. Le planning affiché s’adapte alors en fonction de leur groupe, ce qui n’était pas possible avec la version papier / Word.

Dans le panel d’administration, on y retrouve de nombreux paramètres permettant de saisir les différents lieux, les types d’activité et les règles qui leur sont associées, les groupes d’élèves et leurs encadrant·es, l’éditeur de planning et enfin une section consacrée à l’audit du planning, qui vérifie les données saisies et relève d’éventuelles erreurs.

Capture d’écran du panel d’administration

L’éditeur de planning : l’un des modules les plus difficiles à réaliser, l’épreuve étant de rendre l’outil simple et intuitif.

🔗Pas convaincu

Au début de mon stage, lorsque j’ai montré le prototype de Bibliodid à Valérie et Jérémie, l’idée était difficile à accepter.

Jérémie n’était pas convaincu : si je développe ce logiciel, qui va le maintenir s’il a besoin de modifications ? Deviendrons-nous alors esclaves du logiciel, devenu une composante vitale mais également très contraignante, qui ne s’adapte pas bien à l’organisation ?

Je suis non seulement le seul développeur de la structure, mais également la seule personne à savoir utiliser un ordinateur au-delà d’un usage bureautique. Leur garantir que je viendrai à leur secours si Bibliodid a besoin d’ajustements après mon départ n’est pas suffisant : il faut absolument que Bibliodid fonctionne sans moi.

Cependant, quelque soit la technologie ou la solution utilisée, qu’il s’agisse d’un logiciel déjà existant ou fait maison, cette problématique est la même : l’association sera démunie face à un problème informatique et devra dépendre d’autres personnes. « Peut-on donc se passer d’outils complexes et rester sur Excel ? » demande Jérémie, en suggérant le développement de macros et de formulaires sur son tableur.

Cela me rappelle vivement mon dernier stage dans une association qui utilisait Microsoft Access 2003 pour leur base de données et intégrait de nombreux formulaires : l’outil était devenu impossible à maintenir.

Cette problématique est si récurrente qu’elle évoque un xkcd, ou bien un CommitStrip :

Commitstrip : le Codeur et la Bête

J’ai dû argumenter sur la complexité de maintenir un tableur avec des macros, en expliquant que l’outil avait ses limites et qu’essayer d’automatiser la plupart des opérations nécessaires pour la vérification du planning représenterait une gymnastique épouvantable, un travail assez conséquent qui pourrait ne plus fonctionner après une mise à jour de Microsoft Office.

Jérémie reste sceptique : « De toute manière, aucune solution technique, quelle qu’elle soit, ne pourra remplacer la vérification manuelle du planning par des personnes humaines qui ont l’expérience du métier », avance-t-il − à raison.

Les outils de vérification du logiciel Bibliodid ne pourront jamais remplacer la vérification humaine, mais peuvent l’assister : les activités du festival Les Didascalies ont une certaine régularité, une certaine logique qu’un outil informatique ne peut pas comprendre mais peut interpréter. Cette analyse algorithmique, sans aucune intelligence mais sans faille car purement mathématique, peut relever de potentielles irrégularités dans la conception du planning qui peuvent aider la compréhension humaine.

Tout outil numérique peut nous enfermer ou nous libérer, cela dépend de notre usage de l’outil, de sa capacité à répondre aux besoins de l’organisation mais surtout de sa conception : un logiciel fait main sera peut-être plus libérateur qu’un logiciel générique comme Excel, d’une part car Excel n’a pas été fait sur mesure pour le festival, d’autre part car la société qui développe Excel a un intérêt lucratif qui les motive à enfermer ses utilisateur·ices dans l’usage de leur logiciel, ce qui n’est pas le cas de Bibliodid.

Cette discussion me motivera plus tard à implémenter l’export des données en format TSV, un format ouvert ressemblant au CSV, qui permettra à Valérie et Jérémie de revenir à un tableur si Bibliodid ne leur convient plus un jour.

Par ces motifs, Jérémie accepte de tenter l’expérience malgré ses réserves, et je commence à travailler avec Valérie sur l’expérience utilisateur.

🔗L’environnement de travail

Pour reprendre une vision globale de ce stage, je tiens à ajouter quelques mots sur les conditions de travail.

L’association qui organise le festival dispose de locaux à Périgueux, dans le sud-ouest de la France. Mais n’ayant pas la possibilité de me trouver un appartement dans cette ville pour quatre mois, je suis resté coincé dans mon appartement parisien à l’aube de la troisième vague du Covid-19 (ou la deuxième, ou la quatrième, on ne sait plus).

J’ai donc passé tout mon stage en distanciel, à l’exception de deux séjours : un premier que j’ai effectué durant les premières semaines de mon stage et un second, deux semaines avant la fin. Je profitais de ces voyages de deux ou trois jours pour obtenir un maximum de réponses à mes questions notées au préalable, lorsque je ne pouvais pas facilement avoir de réponse à distance.

Je réalisais également des tests d’expérience utilisateur en présentiel : j’évaluais comment Valérie naviguait sur le logiciel pour effectuer une action précise en essayant d’adapter le logiciel pour correspondre à son intuition.

À distance, c’était plus difficile : Valérie et Jérémie n’étaient pas parvenu·es à utiliser un logiciel de visioconférence et n’avaient pas le matériel (pas de micro ni de webcam), nous échangions donc uniquement par email. Je devais donc être très « autonome » pendant toute la durée de mon stage.

🔗Rendre le numérique accessible

Si je me suis reposé sur mes acquis en matière de technologies utilisées, j’ai dû travailler soigneusement l’accessibilité de l’application : on ne s’en aperçoit pas forcément lorsque l’on travaille dans un milieu technophile, mais un grand nombre de nos applications libres ne sont pas à la portée du grand public.

Rendre un logiciel accessible, ce n’est pas seulement mettre un joli CSS (bien que l’aspect graphique soit tout aussi important), c’est penser tout le logiciel en amont pour qu’il soit le plus simple à utiliser. Cela nécessite de parler directement avec les personnes concernées et de leur demander comment elles utiliseraient le logiciel.

Une interface accessible, c’est aussi une interface cohérente avec toutes les autres interfaces du site : le bouton d’export doit être placé exactement au même endroit sur toutes les pages, les couleurs ne doivent pas changer sans raison, le bouton Retour doit avoir le même positionnement partout…

Malgré le temps et l’effort que j’y ai consacré, Bibliodid est loin d’être très accessible faute d’un manque de retours UX, du peu de temps dont je disposais et de mon manque de compétences dans ce domaine (je ne suis pas développeur UX).

J’ai par ailleurs rédigé 40 pages de documentation à l’attention de Valérie (il y a beaucoup de pages car les captures d’écran sont nombreuses) ; chaque fonctionnalité du logiciel y est documentée.

🔗Bilan sur le stage

En nombre de lignes de code, le projet avoisine les 10 000 lignes :

  • 4 100 lignes de Rust ;
  • 1 800 lignes de HTML ;
  • 1 500 lignes de CSS ;
  • 2 200 lignes de Javascript.

Jérémie et Valérie semblaient globalement satisfait·es du travail réalisé, dans l’attente de le tester pour le prochain festival.

En ce qui me concerne, j’ai eu la sensation de créer quelque chose qui pourra être utile à une organisation que je souhaite soutenir. Je n’ai pas eu l’impression de faire un « stage bac à sable » qui n’a pas d’intérêt pour la structure, où l’on donne un travail qui ne sera utilisé qu’une fois avant d’être jeté.

Je n’étais pas bien payé et je n’aime pas particulièrement le développement web, mais j’ai estimé que je servais aussi mes intérêts personnels en contribuant de cette manière : je souhaitais voir les Didascalies continuer et voir Jérémie partir l’esprit tranquille, après avoir travaillé si longtemps pour maintenir ce festival chaque année. Je souhaitais voir son travail pérennisé, parce que j’ai beaucoup apprécié participer à ce festival en tant qu’élève et que je souhaitais que d’autres élèves vivent cette expérience après moi.

Je ne pense pas avoir servi les intérêts d’une entreprise qui ne recherche que l’argent, la gloire et la notoriété, dans une ambiance Startup Nation. Je vous ferai part un jour de cette autre expérience.

🔗Le test en conditions réelles !

Malheureusement, le logiciel n’a pas pu être testé en 2021 puisque le festival a été annulé en raison des restrictions sanitaires en vigueur.

Nous comptons donc sur 2022 pour tester Bibliodid pour la première fois, après la deuxième annulation consécutive du festival. Ce n’est que partie remise, et je serai bien entendu présent pour cette prochaine édition.

🔗Addendum − mai 2022

Édition le 3 mai 2022

Le festival a bien eu lieu fin mars 2022, Bibliodid a donc été confronté aux réalités du festival : 300 élèves ont utilisé l’application simultanément, en l’utilisant toutes les heures pour consulter le planning pendant les quatre jours du festival.

Dans l’ensemble, la mise en fonctionnement de Bibliodid fut un succès :

  • Nous n’avons pas eu besoin de revenir au planning papier ni de recourir à la distribution d’un PDF pendant toute la durée de l’évènement, ce qui était ma première crainte ;
  • J’ai reçu des retours très positifs de l’usage de l’application. Les professeur·es qui sont là depuis longtemps trouvent l’affichage du planning beaucoup plus lisible ;
  • L’application s’affiche bien sur la quasi-totalité des appareils mobiles ;
  • Il n’y a pas eu de crash ni d’indisponibilité de service pendant l’évènement ;
  • Je n’ai pas eu à modifier le code de l’application pendant le festival − hormis pour un changement cosmétique que j’ai pris la liberté de déployer, sans contrainte.

J’ai également pris note de possibles pistes d’amélioration suite à ce test en conditions réelles, de nouvelles fonctionnalités qui pourraient permettre de s’organiser plus efficacement pour les années suivantes. Le mois dernier, j’ai consacré quelques jours à l’application pour développer et déployer en production la plupart de ces améliorations.

Je relèverai tout de même quelques points de vigilance qui mitigent relativement ce bilan positif.

🔗Pas de planning le lundi matin

Je suis arrivé dans les « locaux didascaliens » en effervescence le lundi matin, le festival commençant le mardi matin, entre les dernières répétitions des artistes professionnels et la réunion générale des artistes le lundi soir.

À 11h00, il n’y avait encore aucune activité entrée dans Bibliodid. Le planning était complètement vide. Ce n’était pas une erreur − et honnêtement, je m’y étais préparé ; Valérie n’avait simplement pas eu le temps de transcrire le planning vers le logiciel.

Jérémie avait été « rappelé d’urgence » pour concevoir le planning au dernier moment, car l’équipe avait commencé les préparatifs trop tard cette année. Il avait ainsi préparé le planning sur Word et Excel, à l’ancienne, pour la semaine à venir.

Le lundi, mon rôle a consisté à « recopier » le planning édité par Jérémie sur Bibliodid. Si je manquais de temps, l’équipe aurait toujours eu l’option de publier une version PDF du travail réalisé par Jérémie, et nous n’aurions alors pas testé Bibliodid. Il faut bien avouer que la contrainte de temps représentait pour moi une pression considérable.

Valérie me fit une remarque : « Bibliodid ne permet pas de travailler sur le planning ». L’outil, bien qu’efficace pour vérifier la cohérence globale du planning, ne permet pas d’outrepasser l’étape importante de réflexion et d’assemblage nécessaire à sa réalisation, qui doit alors s’élaborer sur papier ou sur Word et Excel, comme Jérémie en a l’habitude. En effet, Bibliodid ne fait que vérifier l’hypothèse finale et relever les incohérences, mais constitue ainsi une étape supplémentaire qui n’allège pas le travail de conception au préalable.

Le logiciel n’a pas été conçu dans l’optique de générer automatiquement le planning, et il est fort probable qu’une telle fonctionnalité soit globalement impossible à réaliser dans sa forme actuelle, car trop de variables extérieures entrent en jeu. Ce travail est a priori nécessairement humain, un constat qui est peut-être en décalage par rapport aux attentes de Valérie.

🔗Pas de planning complet au début du festival

Une autre contrainte négligée dans la conception du logiciel relève de la manière dont Jérémie travaille sur le planning : le lundi soir, la veille du festival, le seul planning fiable selon Jérémie était celui du mardi. Les jours suivants pouvaient encore être largement remaniés.

Or, une part importante des fonctionnalités de vérification de Bibliodid n’est efficace que si le logiciel peut analyser l’intégralité du planning, et pas seulement le premier jour.

À l’avenir, il sera peut-être possible de penser le planning en amont (avant le début du festival), selon le temps et l’avance que les bénévoles et salariés de l’organisation disposeront en vue de l’évènement.

🔗Édition du planning à la volée

Le jeudi lors de la pause déjeuner, Jérémie m’a intégré dans une réunion rapide avec les artistes pour remanier rapidement le planning, concernant des activités prévues une heure plus tard. Les élèves n’ont pas pensé à rafraîchir la page pour voir les modifications de dernière minute. La page n’ayant pas été rafraîchie, le bandeau orange fluo qui avertissait de ce changement n’est pas apparu non plus, créant de la confusion au sein des groupes. Heureusement, ce moment d’égarement causé par cette défaillance technique a vite laissé place à l’intelligence collective.

Une fonctionnalité de rafraîchissement automatique aurait peut-être pu aider.

🔗Des activités qui manquent

En recopiant le planning en quatrième vitesse le lundi − et finalement, tout au long du festival − j’ai commis quelques erreurs, et notamment oublié une préparation hors-scène pour un groupe. En temps normal, Bibliodid aurait dû me le signaler, mais les paramètres qui analysent la fréquence des activités étaient mal ajustés, me laissant ainsi sans notification de ma bêtise. Heureusement, c’est de nouveau l’intelligence collective qui a pallié à ce problème.

🔗Un déploiement tendu

Je terminerai sur une anecdote qui a bien failli mener Bibliodid à sa perte. La veille de l’évènement, lorsque l’on présentait l’application aux artistes pendant la réunion, l’un d’entre eux me sort cash : « Le site ne marche pas sur iPhone ». Connaissant ses compétences en informatique, je me laisse prendre d’une panique intérieure en voyant le message d’erreur sur son téléphone. La honte, rien ne s’affiche, le site ne charge même pas. C’est « l’effet démo ».

Quelques petits débriefs plus tard, nous avons identifié deux causes possibles à ce problème :

  • Le site fonctionne sur un sous-domaine, et il semblerait qu’Apple vérifie la validité du certificat du domaine parent avant même d’essayer de se connecter au sous-domaine. Et le site présent sur le domaine parent n’étant pas finalisé, il se trouve que le certificat n’était pas bon.
  • Une entrée DNS IPv6 sur le domaine parent pointait vers une adresse incorrecte. (it’s always DNS…)

Après ce débrief, nous avons pu réparer le site le soir même et tout fonctionnait bien à nouveau le lendemain.

Voilà pour ce long récit didascalien. J’espère pouvoir prendre part à l’organisation du festival l’année prochaine encore − on ne s’en lasse pas ! − et ainsi contribuer à ma modeste échelle à cette initiative qui doit continuer d’exister.

Merci à toutes les personnes qui m’ont accueilli dans cette organisation, aux artistes, professeur·es, qui m’ont laissé une chance de mettre à contribution mes connaissances techniques et qui ont fait preuve d’une immense bienveillance à mon égard.